Chine : mourir du succès ?

Anonim

Nombreux sont les analystes qui confirment que le ralentissement du « géant asiatique », dont l'économie semblait jusqu'à il y a quelques mois à l'abri des crises, est désormais une réalité. D'autres, par contre, s'étonnent, Que se passe-t-il en Chine ?

Selon la Banque asiatique de développement (BAD), le PIB de la Chine va croître cette année 6,8 %, bien en deçà des 7,2 % estimés en mars. Cette nouvelle fait suite à la Krach boursier de Shanghai et le ralentissement de la production industrielle ces derniers mois.

Depuis le début de ce siècle La Chine est de loin l'économie qui a le plus progressé dans le monde, passant d'un PIB nominal de 1.198 trillions de dollars en 2000 à 9.24 trillions en 2013. Son modèle de production reposait sur une industrie florissante et orienté vers exporter vers l'Europe et les États-Unis, avec une main-d'œuvre croissante et étant l'une des destinations privilégiées pour les investissements étrangers.

Plusieurs facteurs ont favorisé cette stratégie : ses coûts de main-d'œuvre étaient bas, le pays disposait de ressources naturelles abondantes et sa monnaie, le yuan, était très faible par rapport au dollar. L'action combinée de tous ces avantages rendait les produits chinois très bon marché par rapport à leurs concurrents sur les marchés internationaux, puisque le coût de leur production en Chine était nettement inférieur. Cela a favorisé à son tour la délocalisation d'usines d'Europe et des États-Unis vers le pays asiatique, ce qui a permis l'importation de technologies occidentales sans frais (en plus de créer des emplois et d'apporter des devises étrangères dans le pays). Le modèle avait, oui, un défaut : les bénéfices des exportations ont tellement augmenté qu'il était difficile de les réinvestir dans le pays sans générer d'inflation. Autrement dit, il y avait un vrai risque de "mourir de succès". C'est pourquoi les autorités chinoises ont profité des difficultés financières de l'Union européenne et, surtout, des États-Unis, pour investir une partie de leurs bénéfices dans obligations entreprises étrangères publiques et privées, qui offraient des rendements élevés. Une autre partie de ces bénéfices a été investie dans des projets de développement du pays, et bien que beaucoup n'aient pas donné les résultats escomptés, leurs performances inégales n'ont pas été un obstacle à l'économie.

Cependant, les changements que l'économie mondiale a connus ces dernières années commencent maintenant à poser des problèmes à l'économie chinoise, dont le modèle industriel-exportateur (celui qui était considéré par beaucoup comme une "panacée économique") montre ses premiers signes de faiblesse. En premier lieu, l'inflation du pays (ce qui a forcé une révision à la hausse des salaires), l'épuisement des ressources naturelles (qui nécessite désormais d'importer des produits essentiels pour une production à des prix plus élevés) et la dévaluation du dollar et de l'euro par rapport au yuan rend les exportations chinoises plus chères et moins compétitives sur le marché mondial. A cela il faut ajouter, à son tour, la lente reprise de l'Europe et des Etats-Unis, dont les marchés croissent beaucoup moins que la production chinoise, générant ainsi un excès de l'offre sur la demande réelle, c'est-à-dire que la Chine produit actuellement beaucoup plus de ce vendre.

Ces problèmes en génèrent également d'autres. La perte relative de compétitivité de l'économie chinoise il a réduit les délocalisations d'usines et réorienté les investissements européens et nord-américains vers d'autres pays en développement, comme l'Inde. Privées d'importer de la technologie (du moins au rythme précédent), les entreprises chinoises doivent désormais innover par elles-mêmes pour que leurs produits ne deviennent pas obsolètes dans un environnement mondial hautement concurrentiel. Et ses recettes d'exportation, qui étaient auparavant utilisées pour acheter des obligations à haut rendement dans l'UE et aux États-Unis, ne sont plus aussi faciles à réinvestir car le financement de ces États est désormais beaucoup moins cher. Depuis quelque temps, les autorités chinoises semblent avoir cherché des alternatives en augmentant leurs investissements sur des marchés moins développés, comme l'Afrique et l'Amérique du Sud, mais la capacité de ces projets à apporter de réels bénéfices à long terme est encore incertaine.

Dans un contexte comme celui d'aujourd'hui L'investissement intérieur semble la seule issue bien que la forte réglementation des marchés financiers signifie souvent que les investissements sont décidés sur la base de critères politiques ou sociaux et non sur la base des bénéfices qu'ils génèrent. En tout cas, le ralentissement du géant asiatique ne semble pas être un problème passager mais plutôt structurel, son propre modèle de production qui semble s'épuiser. En d'autres termes, la force d'une économie se mesure, entre autres, par sa capacité à s'adapter aux nouveaux défis qui émergent dans un environnement de plus en plus mondialisé et concurrentiel. Ces dernières années, l'économie mondiale a changé. La Chine, si elle ne veut pas être laissée pour compte, doit faire de même.