À qui profiterait l'accord de libre-échange entre les États-Unis et l'UE ?

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Le problème est que les prix de vente sont généralement conditionnés par les coûts de production, et ceux-ci sont plus faibles aux États-Unis (avec des coûts salariaux, énergétiques et matières premières plus faibles qu'en Europe). De plus, son économie est capable de rentabiliser plus efficacement ses ressources humaines (comme le montrent les chiffres de productivité) et elle a une plus grande capacité d'innovation (en investissant plus de ressources en R&D&i). Si à cela on ajoute l'effet du taux de change, avec un euro plus fort face au dollar, la conséquence inévitable sera que Les produits européens ne seront pas en mesure de rivaliser en termes de coûts avec les produits nord-américains.

Par secteur, il est clair que les États-Unis ont incontestablement un avantage concurrentiel dans des domaines tels que les matières premières, l'énergie et les biens industriels (tant intermédiaires que finaux), ainsi que les services non financiers exportables. En revanche, l'Europe pourrait bénéficier d'échanges dans des secteurs beaucoup plus limités comme certains produits alimentaires (vin, huile, etc.) et les articles de luxe. Dans cette comparaison, cependant, le secteur agricole et de l'élevage serait exclu en raison de la forte distorsion des subventions publiques sur les prix, ce qui rend difficile le calcul des coûts réels de production.

Face à cette comparaison, la conclusion semble évidente aux yeux de tout économiste : si l'accord de libre-échange était signé, les États-Unis auraient un avantage fort dans presque tous les secteurs via les prix, tandis que l'Europe ne pourrait recourir qu'aux biens dont la production ( étroitement lié à la qualité et à la tradition), il est difficile à remplacer. En d'autres termes, l'Europe exporterait, par exemple, des vins d'appellation d'origine vers les États-Unis mais importerait de l'autre côté de l'Atlantique des bouteilles, des bouchons et pratiquement tout autre type d'intrants nécessaires au processus de production. Dans ce contexte, la croissance des secteurs favorisés par le change ne pourrait pas compenser le déclin du reste de l'économie, et alors on pourrait dire que le traité générerait récession et chômage en Europe, avec l'effet inverse aux Etats-Unis. Ce point de vue renforcerait les arguments des détracteurs du traité, puisqu'il justifierait dans une certaine mesure le maintien de mesures protectionnistes.

Cependant, il existe une autre perspective plus large qui nous permettrait d'arriver à la conclusion inverse, à savoir que l'accord favoriserait les deux signataires. Comme déjà mentionné, en termes d'avantage absolu, un accord de libre-échange finirait par profiter aux États-Unis dans pratiquement tous les secteurs économiques, puisque ses coûts de production inférieurs conduiraient à une plus grande compétitivité. Cependant, en termes d'avantage comparatif, on pourrait conclure qu'en n'ayant pas des ressources illimitées et en voyant ses marchés s'élargir, le plus bénéfique pour les États-Unis serait de se spécialiser uniquement dans les secteurs où cet avantage concurrentiel est plus idem bien que cela signifie exporter des marchandises qui sont relativement plus chères que vos concurrents d'outre-Atlantique. Par conséquent, selon cette approche l'accord de libre-échange ne signifierait pas une destruction nette d'emplois mais simplement un transfert de ressources vers les secteurs les plus compétitifs de l'économie.

Quoi qu'il en soit, dans l'une ou l'autre des deux perspectives précédentes, il ne fait aucun doute que l'accord renforcera la confluence des prix des facteurs de production entre les deux blocs économiques. C'est ici qu'apparaît l'un des points les plus controversés de la question, puisque le travail est aussi un facteur de production, et son prix est le salaire. Compte tenu du fait que les coûts salariaux européens sont plus élevés que ceux des États-Unis, on pourrait conclure que l'accord entraînerait une baisse des salaires en Europe et aurait ainsi des conséquences sociales terribles sur le Vieux Continent.

Cependant, ce dernier point de vue omet complètement l'impact de la productivité sur les salaires. Il est vrai que dans l'histoire économique ne manquent pas les cas de pays qui en s'ouvrant au libre-échange n'ont pas pu rivaliser sur les prix et ont vu leur tissu industriel détruit (comme l'Argentine dans les années 70). Mais il n'en est pas moins vrai que d'autres, faisant exactement de même (comme les pays scandinaves au début du siècle, ou l'Inde dans les années 90), ont réussi à générer plus d'emplois et de richesses. Certains peuvent se demander, comment est-ce possible ? Existe-t-il des lois économiques différentes pour chaque pays ? Et peut-être que le débat ne devrait pas porter sur l'acceptation ou le rejet du libre-échange, entre libre-échangistes et protectionnistes, comme on le voit dans la plupart des médias. Le vrai dilemme, peut-être, devrait commencer par l'inévitabilité du processus de mondialisation économique, pour considérer comment nous voulons vraiment être compétitifs dans le monde : par les prix ou par la valeur ajoutée.