La loi des rendements décroissants freine la croissance de l'Inde

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Anonim

L'Inde connaît une croissance plus élevée que le reste des pays émergents, mais la productivité, en revanche, continue d'être l'une des faiblesses de son modèle de production actuel, qui, avec une main-d'œuvre bon marché, fait que la production que chaque nouveau travailleur contribue à être chaque de moins en moins, respectant la loi des rendements marginaux décroissants.

On voit aujourd'hui en Inde un pays au potentiel de croissance énorme, avec une population jeune et dynamique mais vivant toujours dans des conditions bien inférieures à celles du monde développé, alors qu'il y a le paradoxe que chaque année les exportations augmentent mais que le déficit budgétaire et la balance commerciale empirer. Certains peuvent se demander comment il est possible que la croissance économique ne soit pas capable à elle seule de garantir une amélioration de la qualité de vie de la population. Et peut-être que la réponse se trouve dans la question elle-même, puisqu'elle omet complètement le rôle du développement économique au détriment de la croissance.

En termes macroéconomiques, l'évolution de l'Inde est très positive.Le principal responsable de cette croissance est sans aucun doute le secteur étranger, à travers deux voies : l'externalisation et la délocalisation d'entreprises d'Europe et des États-Unis. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui comparent même la situation actuelle à celle du XIXe siècle, lorsque les usines anglaises se sont installées en Inde à la recherche de conditions plus compétitives, important massivement des manufactures britanniques qui, aussi compétitives soient-elles, ont ruiné le tissu préindustriel indien et relégué le pays à la pauvreté.

Actuellement, les produits indiens sont plus compétitifs en prix que les anglais. Cependant, alors que l'économie anglaise du XIXe siècle était devenue plus compétitive grâce à la révolution industrielle, c'est-à-dire en augmentant la productivité des travailleurs et en ajoutant de la valeur aux processus de production, L'Inde du 21e siècle fonde sa compétitivité sur les bas salaires. Cette politique, qui permet certes de réduire les coûts de production et donc les prix de vente, est totalement étrangère à l'évolution de la productivité et de la valeur ajoutée, relativisant sa compétitivité. La preuve en est que, alors qu'il y a deux cents ans les manufactures britanniques étaient imposées aux Indiens, aujourd'hui l'échange (théoriquement plus favorable à l'Inde) n'a pas entraîné la destruction du tissu industriel de l'Angleterre, mais a même accru le déficit du commerce extérieur indien. .

Néanmoins, il est évident que la productivité de l'économie indienne a augmenté ces dernières années, comme le montre l'évolution du PIB depuis la fin des années 1980. Le bond, en particulier dans les secteurs industriels (en raison des effets des délocalisations) et des services ( externalisation) est spectaculaire : la production totale de l'économie est aujourd'hui de 325,98 % supérieure à celle de 1991, avec des augmentations cumulées de 302,98 % dans le secteur secondaire et de 495,78 % dans le secteur tertiaire.

Il n'en va pas de même de l'agriculture, dont la croissance cumulée (101,15%) a été supérieure à celle de la population (46,07 %) mais reste encore relativement stagnante. Preuve en est que le secteur emploie 56,5% de la population active mais ne contribue qu'à 20,2% du PIB, même si l'on considère que des trois secteurs il est le moins bénéficié des investissements étrangers. Dans une telle situation, un économiste malthusien dirait probablement que l'Inde souffre de pénuries alimentaires parce que la production agricole (augmentant arithmétiquement) croît plus lentement que la population (qui le fait géométriquement). Mais cette théorie est aujourd'hui difficilement soutenable, car la plupart des pays développés sont des importateurs nets de nourriture et cela n'a pas réduit leur bien-être.

Une main-d'œuvre bon marché a entraîné une baisse des rendements marginaux

Peut-être que la bonne approche pour analyser le problème n'est pas macroéconomique mais microéconomique, c'est-à-dire étudier la dynamique des entreprises indiennes d'un point de vue individuel. Dans cette perspective, nous voyons comment les hommes d'affaires indiens se sont appuyés sur une main-d'œuvre bon marché et abondante pour augmenter la production. Dans les secteurs de l'industrie et des services, cette application intensive du facteur travail, ainsi que des méthodes d'investissement et d'organisation occidentales, semble avoir obtenu de bons résultats, comme le montre le bond de la production depuis les années 1990.

Cependant, L'évolution de la production dans ces secteurs montre que la croissance s'est modérée ces dernières années, ce qui nous amène à la même conclusion que la loi des rendements marginaux décroissants : l'accumulation de travail augmente la production totale, mais avec le temps le produit obtenu par chaque travailleur incorporé sera de moins en moins. En d'autres termes, une fois passé l'effet des investissements sur la productivité (le "saut" évoqué plus haut), il va ralentir sa croissance et finalement commencer à décliner. Le secteur agricole indien en est le meilleur exemple, avec une production qui croît en deçà de la population active occupée.

En revanche, les conséquences pour la population de la loi des rendements décroissants sont très dommageables. D'abord parce que la productivité est directement liée aux salaires, ce qui implique que le revenu des travailleurs ne peut s'améliorer que s'il y a investissement dans le capital physique et humain. Mais le problème c'est que justement l'abondance de travail décourage l'investissement, puisque le facteur travail est beaucoup moins cher pour les entrepreneurs que le facteur capital.

Aujourd'hui, l'Inde est confrontée au défi de profiter des bénéfices obtenus pour réorienter son économie vers une productivité accrue, au lieu de consolider le modèle de compétitivité basé sur les coûts de production. Au cours des dernières décennies, plusieurs pays asiatiques ont suivi cette voie : le Japon dans les années 1960, la Corée et Taïwan dans les années 1970, la Chine au début de ce siècle. Tous ont fini par l'abandonner et concentrer leurs efforts sur la productivité pour atteindre des niveaux de bien-être plus élevés. Seul le temps nous dira si l'Inde emboîtera le pas.